Monter un film documentaire
Être monteur
Des images
Le premier atout d’un monteur est de commencer par regarder les rushes pour la première fois. Le réalisateur a conçu, imaginé, peut-être même rêvé ses images. Il les a tournées avec le chef opérateur. Il les connaît donc à travers sa propre subjectivité également influencée par l’histoire du tournage.
Devant la table de montage, les regards vont être différents. Une image voulue ou travaillée au tournage ne sera pas forcément la meilleure. D’autres auront une charge et une esthétique plus adaptées. Les premières impressions seront les plus importantes. Et prendre des notes devient une nécessité car les images nous donnent des pistes, des intuitions de forme et de style.
Suivant l’importance du projet, une certaine quantité de rushes vont devoir être triés, mémorisés et ordonnés. Le tout avec une stratégie d’organisation : ici commence le montage ! Comme le souligne Walter Murch (1) : « Sans plan, sans carte, sans fil, le montage se transforme en une agitation stérile. » Le plan de montage ne correspond pas à la carte d’orientation que le monteur se propose. C’est son chemin à lui, tout-à-fait personnel.
Quand tout est bien rangé et que l’assemblage s’amorce, les rushes commencent à parler. Ils nous donnent bien sûr l’organisation du discours qui est souvent déjà pensé ou écrit par l’auteur, mais aussi la mise en place dramaturgique. Le montage, et donc le monteur, est là pour prendre au vol toutes les idées possibles afin de mettre en collision ou en harmonie un chemin de pensée évoqué par les images et les sons.
Des histoires
Plusieurs histoires se superposent : ce que dit le film, l’histoire de sa construction, les doutes, les espoirs et le temps passé à trouver des solutions de coupe, de rythme, d’émotion. Cette histoire-là, moteur d’envie et d’inspiration, cherche aussi sa résolution, son happy end, pour chaque plan, pour chaque séquence.
Tout peut être remis en cause. Et la belle séquence peut finir à la poubelle ! Faire et défaire c’est toujours faire. Pas la peine d’en prendre ombrage.
Le plus grand savoir d’un monteur est le savoir être. Et de la psychologie aussi. Car la séquence, la coupe, le plan mis en cause, souvent vécu comme important par le monteur qui l’a travaillé, doit pouvoir s’argumenter. Plus l’argumentaire est précis et étayé, mieux le film se dessine et se comprend à travers sa propre logique. Souvent se ressent l’impression d’être dans un pays étranger où les codes ne sont pas compris, où les choses fonctionnent ou pas. Et c’est mieux de comprendre pourquoi ! De toute façon, à la lecture intégrale de la première version du film, le verdict tombe et met souvent tout le monde d’accord.
(1) Walter Murch est le monteur et mixeur américain attitré de Francis Ford Coppola